Les cyclistes, enfin des salarié-e-s comme les autres?


Le Ministre des transports, Frédéric Cuvillier, a présenté le « Plan d’Actions pour les Mobilités Actives » (PAMA)[1] le 5 mars 2014.

Ce « plan » relève davantage d’une compilation de diverses mesures (réclamées depuis longtemps : généraliser les zones 30 et les double-sens cyclables, améliorer les cheminements, créer davantage de stationnements sécurisés, améliorer la communication de la SNCF sur le vélo[2]…), que d’un véritable « plan stratégique complet »…assorti de moyens. C’est pourquoi « la FUB salue les avancées mais mesure le chemin à parcourir »[3].

 

Dit autrement par Isabelle Lesens sur son blog[4] : « Aucune protestation n’est venue, par crainte d’encore ralentir les évènements peut-être ». A l’image de l’accueil du précédent « Plan Vélo »…qui ne date que de janvier 2012[5] et dont l’objectif était d’atteindre une part modale de 10 % en 2020 (+ 1%/an..).

 

Déjà annoncée dans le « Plan Vélo » 2012 (mesure D.2.1) et faisant l’objet d’un récent rapport de la Coordination Interministérielle pour le Développement de l’Usage du Vélo[6] (CIDUV), l’indemnité kilométrique pour l’usage du vélo sur le trajet domicile-travail fera l’objet d’une expérimentation « auprès d’entreprises volontaires afin de vérifier, avec la collaboration de l’ADEME, la réalité de son effet incitatif et d’examiner la dynamique que sa mise en place produirait, en particulier en termes de substitution entre les différents modes ». Le ministère a cependant reconnu qu’aucune incitation fiscale n’était prévue pour les entreprises volontaires et qu’aucune ne s’était encore manifestée…Cette expérimentation apparaît donc bien timorée, surtout à la lecture du rapport de la CIDUV :

« Si l’indemnité kilométrique vélo figure depuis longtemps parmi les revendications des associations de cyclistes, c’est qu’elle répond à une préoccupation évidente : assurer l’égalité de traitement entre salariés, quel que soit le mode de transport qu’ils utilisent. De fait, des dispositifs de soutien financier existent aujourd’hui en faveur des salariés qui recourent aux transports en commun, au deux-roues motorisé ou à la voiture pour se rendre sur leur lieu de travail. Dans le même temps, le vélo n’est pris en compte par de tels dispositifs que quand il prend la forme, très minoritaire en regard de l’ensemble des pratiques, des services publics de location de vélos[7]. L’indemnité kilométrique répond donc d’abord à une préoccupation d’ordre symbolique : affirmer que le vélo constitue bien un moyen de transport pour les salariés qui l’empruntent, pour ceux qui l’emprunteront, et qu’ils ont toute légitimité à le faire, de la même manière qu’ils auraient toute légitimité à choisir un autre mode de transport. Affirmer enfin qu’il s’agit bien là d’un choix raisonné et raisonnable, non d’un comportement irrationnel qui serait le fait d’une poignée de militants. »

Si la plupart des médias et des candidat-e-s aux élections municipales semblent accueillir favorablement le développement de l’usage du vélo et le PAMA, des commentaires, par exemple ceux des lecteurs du Figaro[8], montrent que les résistances et le malentendu sur la mise en place d’une indemnité kilométrique vélo sont encore bien présents : confusion avec le vélo loisir, vélo assimilé à une régression sociale, vélo perçu comme gratuit et sans besoin d’entretien, risque d’augmentation de l’insécurité routière par la promotion des vélos, etc… Là encore, le rapport de la CIDUV apporte une réponse précise et étayée :

« Une part importante de ceux qui utilisent, ou sont susceptibles d’utiliser le vélo pour aller au travail ont bel et bien besoin d’un soutien financier. Il faut dire ici que, contrairement à certaines idées reçues, et comme le montre l’enquête nationale transports déplacements (ENTD 2008)[9], l’usage du vélo pour aller travailler n’est pas une pratique « de riches » : au contraire, c’est dans les catégories aux revenus les plus modestes que cette pratique est la plus représentée. De plus, les dépenses que les usagers réguliers du vélo engagent, bien qu’elles restent en général inférieures à celles liées aux autres modes de transport, apparaissent non négligeables. Utiliser son vélo chaque jour, y compris quand il fait froid, quand il pleut, quand la nuit tombe tôt, suppose un certain équipement, un vélo de meilleure qualité que ceux proposés en premier prix par les grandes surfaces ainsi qu’un entretien régulier. Le cycliste est également confronté au risque de vol de son véhicule, qui ajoute au coût financier de celui-ci une incertitude non négligeable. »

Même si nous avons des réserves sur ce PAMA, notamment quant aux moyens réellement dédiés à sa mise en œuvre et la capacité des entreprises de s’en emparer, notre responsabilité est d’en saisir l’opportunité pour améliorer les conditions de la pratique du vélo et en développer l’usage.

C’est pourquoi Place au Vélo invite ses adhérents à parler de l’indemnité kilométrique à leur employeur ou à leurs proches qui sont salariés ainsi qu’à signer la pétition lancée par Carfree à cette adresse.

Place au Vélo va aussi demander à Nantes Métropole de relayer cette expérimentation aux entreprises signataires d’un plan de mobilité[10].

 

[1]http://www.developpement-durable.gouv.fr/Dossier-de-presse-Plan-d-actions.html

[2] La possibilité de réserver une place pour son vélo sur le site www.voyages-sncf.com avait déjà été annoncée pour fin…2012 !

[3]http://www.fubicy.org/spip.php?article438

[4]http://isabelleetlevelo.20minutes-blogs.fr/archive/2014/03/05/plan-velo-mars-2014-893570.html

[5]http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/PNV15022012.pdf [6]http://www.developpement-durable.gouv.fr/Indemnite-kilometrique-velo.html

[7] Rien n’interdit d’ailleurs à l’employeur de prendre en charge la moitié de l’abonnement à un service de location de vélos avec option d’achat. Voir les articles L3261-2 et R3261-2 du Code du travail et la circulaire DGTDSS du 28 janvier 2009  

[8]http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/03/04/01016-20140304ARTFIG00174-se-rendre-au-bureau-a-velo-pourrait-etre-indemise.php

[9]http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/transports/s/transport-voyageurs-deplacements.html

[10]http://www.nantesmetropole.fr/pratique/deplacements/plan-de-mobilite-d-entreprise-26673.kjsp?RH=TRANSPORT&RF=1264174414766