Evolution des codes de deplacements en milieu urbain


Les cyclistes au sein de Nantes Métropole :

Pour une évolution des codes de déplacement en milieu urbain

Les cyclistes sont de plus en plus nombreux à se déplacer en ville. Les habitants commencent à comprendre que ce mode de déplacement est idéal et constitue une très bonne alternative aux véhicules motorisés et aux transports collectifs dans la ville de demain. C’est ce que souligne la dernière enquête cycliste de Nantes Métropole : parmi les 6 premières raisons du changement de mode en faveur du vélo figurent la santé et les raisons économiques, mais également 4 raisons liées à l’adaptation à la cité de demain dont les enjeux de déplacements ont considérablement évolué ces dernières années (gain de temps et adaptation aux contraintes de circulation, de stationnement et écologiques).

 

Ainsi, les cyclistes urbains et particulièrement les vélotafeurs, ont fait récemment l’objet de plusieurs études comportementales, signe que le vélo comme moyen de transport s’inscrit à l’agenda politique :

La première étude comportementale

Menée pour le compte de Nantes Métropole[1], elle se fonde sur deux enquêtes complémentaires menées auprès de 763 cyclistes (80% des interrogés utilisent au moins 2-3 fois par semaine le vélo) puis de 1200 citoyens de la métropole, ainsi que des entretiens individuels complémentaires, afin d’interroger la pratique du vélo à Nantes, dans un contexte de définition du nouveau plan vélo pour l’agglomération et d’accueil de Vélocity, congrès mondial du vélo urbain, à Nantes en juin 2015. Développer la part modale du vélo dans les transports de l’agglomération suppose en effet d’analyser la pratique du vélo, les freins et leviers susceptibles de faire évoluer favorablement les comportements pour un report modal de l’automobile individuelle vers la bicyclette, dans l’option la plus favorable (33% des cyclistes ont remplacé leur voiture par le vélo, 28% les transports collectifs).

La seconde étude[2]

Vous en avez tous entendu parler, elle faisait la une de 20 minutes depuis le début de cette semaine, sur la question de la sécurité routière dont les codes seraient largement transgressés par des cyclistes urbains sans foi ni loi, méprisant la règle, le plus faible et de manière générale tous les usagers de la chaussée qui ne se déplacerait pas à coups de pédale. Menée par OpinionWay et pilotée par l’Agence de conseil Entre Nous Soit Dit, en collaboration avec MMA, l’enquête a été menée auprès de 1041 cyclistes au niveau national et 100 cyclistes nantais, soit un échantillon très petit pour les conclusions très affirmées de cette étude, d’autant plus que sont considérés comme cyclistes des personnes faisant du vélo au moins une fois par mois : ces personnes sont des cyclistes occasionnels, qui n’utilisent pas forcément leur vélo pour se déplacer mais bien pour le sport et les loisirs, et ne sont donc pas des vélotafeurs ou des cyclistes urbains du quotidien.

Et il faut en convenir : nous sommes un pays peu discipliné en comparaison de nos voisins. C’est ce qui fait notre originalité teintée de pragmatisme et d’une bonne adaptabilité au milieu environnant. Combien de piétons respectent-ils le petit bonhomme rouge des traversées piétonnes quand la voie est libre ? Quasiment aucun ! Qui met-on en danger ? Personne. De même, une étude du Cerema sur le respect des SAS vélos à Nantes souligne un taux de respect des SAS Vélos par les automobilistes de 49% (pour les comptages manuels et 36% pour les comptages automatiques). Ces résultats posent concrètement la question de la compréhension du dispositif sas vélo par les automobilistes, plus de 30% ne le respectant pas même en présence des forces de l’ordre.

Que retenir alors de ces éléments, au-delà des titres racoleurs d’une certaine presse ? Les cyclistes nantais sont-ils des délinquants tel que souligné par la une du 24/11 de 20 minutes, avec plus de 88% d’infractions au code de la route revendiquées ? Qui alors fait du vélo à Nantes ? Pourquoi et comment ? Voilà des questions à remettre en perspective afin d’apporter des réponses concertées et cohérentes, loin des stéréotypes et dans un objectif commun à tous les acteurs et citoyens : le mieux vivre dans notre agglomération !

La première étude souligne que le cycliste serait plutôt masculin, dans le centre de l’agglomération, diplômé et d’une catégorie socio-professionnelle supérieure à la moyenne, éléments qu’il convient de mettre en perspective avec le reste de l’enquête et la réalité de la cyclabilité de l’agglomération afin de mieux comprendre les enjeux des années à venir.

La baisse de la pratique du vélo comme moyen de transport à mesure que l’on s’éloigne du centre de Nantes relève d’une réalité simple :

  • le franchissement du périphérique reste problématique à vélo ;
  • les aménagements sont moins développés dès la sortie de l’hyper-centre de Nantes ;
  • le jalonnement des trajets disponibles est quasiment absent ;
  • le vélo s’est installé comme moyen de transport mais pour des trajets courts (82% des trajets font moins d’une demi-heure selon cette enquête), alors que le vélos est tout à fait adapté à des trajets quotidiens jusqu’à 10 voire 15kms avec le développement des VAE.

L’analyse des freins à l’utilisation du vélo le confirme

Si le climat est cité comme le principal frein (ce qui se règle rapidement avec une tenue adaptée), les conflits avec les automobilistes, les aménagements non adaptés ou le manque d’aménagements et de stationnement constituent 4 des 6 premiers freins identifiés.

La réponse à la supposée délinquance des cyclistes est donc assez simple : les cyclistes sont finalement comme les piétons, ils adoptent des comportements qui leur apparaissent les plus judicieux et les plus pratiques pour se déplacer dans la ville. Ils posent par là même l’inadaptation des règles du code de la route dans l’espace urbain et de l’évolution des aménagements.

Adaptation des comportements

On adapte donc notre comportement en fonction de l’environnement et des dangers auxquels il nous expose et au regard des dangers que l’on peut provoquer à l’égard des autres usagers, piétons notamment. Il faut donc se réjouir de cette « enquête » publiée par 20 minutes car elle met en avant l’urgence à modifier les règles des déplacements en milieu urbain. Ces règles doivent s’appuyer sur les bonnes pratiques en mobilités actives des usagers de la rue et en priorisant les règles protégeant les plus vulnérables que sont les piétons et les cyclistes. Dans cette optique il faut plaider pour que les stops et les feux rouges soient transformés en cédez le passage. De même, une généralisation de la limitation à 30 km/h doit être la règle sur l’ensemble des voies urbaines à l’exception des voies primaires : les cyclistes ne sont pas dangereux, c’est la vitesse des véhicules motorisées qui est source de danger. L’évolution de la réglementation afin de prendre en compte la réalité de TOUS les usagers de la chaussée est donc un levier essentiel.

Mais surtout, le vélo comme moyen de transport constitue une solution adaptée et émancipatrice tant à titre individuel que collectif, dans une agglomération telle que celle de Nantes Métropole, qui accueille 20 000 nouveaux arrivants par an de par son dynamisme mais doit faire face à des enjeux grandissants de déplacements. Dans ce cadre, le vélo doit rester synonyme de liberté : si des cyclistes sont plus rassurés en portant un casque ou un gilet fluo tant mieux, nous serons encore plus nombreux. Mais le libre choix dans ce domaine doit rester la règle.

Un vélo en bon état c’est cela qui est important :

  • le système de freinage, premier équipement au cœur de la sécurité doit être efficace ;
  • l’éclairage, c’est le second point de vigilance : pas besoin d’être déguisé en sapin de Noël, un éclairage bien visible à l’arrière suffit, un éclairage puissant à l’avant doit être privilégié. Si nous avons un message à faire passer aux cyclistes il est là et pas ailleurs. C’est le sens des opérations de prévention que nous menons telles que « cyclistes brillez ».
  • les contrôles techniques, les brico vélos sont essentiels pour conseiller les cyclistes et les amener à être vigilants sur l’entretien du vélo. L’obligation d’une norme performante d’éclairage (dynamo dans le moyeu, éclairage fixe) auprès des constructeurs et des distributeurs des cycles doit être engagée par les pouvoirs publics. On ne vend pas des motos ou des autos sans éclairage de qualité. Cela doit être la même chose pour les vélos à usage urbain.

L’enjeu quant au vélo urbain ne réside donc pas dans la pénalisation des infractions commises par les cyclistes et dans la stigmatisation populiste de ces derniers mais bien dans la place accordée au vélo au sein de notre agglomération : comment réduire des inégalités géographiques (entre centre et périphérie), sociales (entre classes sociales supérieures et classes populaires et moyennes) et de sexe (entre hommes et femmes) qui se construisent autour de la pratique du vélo ? Permettre à chaque habitant de la métropole, quel que soit son âge, son métier et son trajet, de choisir librement d’utiliser son vélo est un droit essentiel de chacun : il s’agit du droit à la mobilité durable ! 61% des cyclistes interrogés dans le cadre de la première enquête utilisent leur vélo depuis plus de 4 ans : comment soutenir et généraliser ce changement durable de comportement ?

Pour aller plus loin


[1] Cette étude fera l’objet de plusieurs articles afin d’analyser en profondeur les résultats de cette enquête fondamentale pour promouvoir l’utilisation du vélo auprès du plus grand nombre.

[2] Etude dont le détail se trouve sur le blog d’Isabelle et le Vélo, parmi les liens conseillés à la fin de cet article.

Mise en ligne : 2013